L’ART MILLIARDAIRE DU TISSAGE

L’entrelacement de l’artisanat et de la biologie

Avant de plonger dans l’univers cellulaire, je vais vous demander de voir grand. Prenons le terme de tissage au sens large, dans le sens d’un entrelacement de fils qui s’organisent entre eux et génèrent ainsi un ensemble cohérent, une surface ou un volume. Ce terme englobera donc le tissage lui-même mais aussi le tressage, le maillage et le nouage.

Maintenant, vous pouvez concevoir les brins d’ADN qui s’entremêlent ou encore la membrane cytoplasmique (schéma ci-dessous) comme une forme de tissage inspirant.

Vu ainsi, on peut affirmer qu’il s’agit d’un art vieux de plusieurs milliards d’années, apparu avec la vie.

Source : Wikipedia

Le vivant nous offre une multitude de fibres : végétales, animales (poils et cheveux) mais aussi fibres musculaires ou encore connexions neuroniques. Poursuivons notre exploration à une échelle encore plus petite et moins accessible grâce au scientifique Valentin Roustan, docteur en biologie végétale et co-fondateur de l’entreprise EVOYKO.

Pour ce faire, il va nous présenter 3 exemples :
– Tisser pour coder : l’ADN et l’ARN
– Tisser pour s’adapter : le cytosquelette du globule rouge
– Tisser pour structurer : les protéines

Tisser pour coder :
comment le fil relie la vie et l’information

L’humanité tisse depuis la préhistoire, afin de se vêtir, de se protéger du froid ou des rayonnements du soleil, de s’abriter et d’apporter du confort dans son lieu de vie.
Mais le tissage n’est pas seulement une façon de créer des objets matériels, c’est aussi une façon de transmettre des informations immatérielles. Aviez-vous déjà envisagé le tissage comme une forme de codage, c’est-à-dire de transmission d’information ?

Le tissage à l’origine de la vie : l’ADN

Il y a 3,8 milliards d’années, les premières molécules capables de se reproduire et d’évoluer sont apparues dans les océans primitifs. Ces molécules d’ADN constituent la base de tous les êtres vivants actuels. L’ADN est formé de deux brins qui s’entrelacent comme deux fils, formant une double hélice.

L’ADN est le support de l’information génétique, c’est-à-dire du code qui détermine les caractéristiques d’un organisme vivant. Il est aussi capable de se modifier, par des erreurs de copie ou des échanges de segments entre brins. Ces modifications sont à l’origine de la diversité et de l’évolution du vivant.

« Ce qui me fascine, c’est la façon dont l’artisanat d’art peut puiser dans le vivant pour coder des messages et des informations à travers des motifs de tissage. Ces codes ne sont déchiffrables que par ceux qui détiennent la clé de leur compréhension. Nos mains nous offrent une infinité de langages, stimulant la diversité culturelle et enrichissant ainsi la dimension poétique et symbolique des objets d’artisanat.  »

Valentin Roustan

Tisser pour s’adapter:
comment le tissage génère des formes complexes et plastiques

Le cytosquelette des globules rouges : un réseau flexible et résistant

Les globules rouges sont les cellules qui transportent l’oxygène dans le sang. Ils ont une forme particulière : ils sont biconcaves, c’est-à-dire qu’ils sont creusés sur les deux faces. Cette forme leur permet d’avoir une grande surface d’échange avec le plasma sanguin, et donc d’optimiser leur fonction respiratoire.

Mais comment les globules rouges maintiennent-ils cette forme si particulière ? La réponse se trouve dans leur cytosquelette, qui est formé d’un réseau de filaments d’actine et de spectrine. Ce réseau recouvre la face interne de la membrane plasmique des globules rouges, et lui confère sa rigidité et sa flexibilité.

Source : Berkeley Research

Le réseau du cytosquelette a une structure géométrique remarquable : il est composé de triangles équilatéraux qui s’assemblent en hexagones. Ce motif est appelé un hexagonal triangular mesh. Il permet au réseau d’avoir une grande résistance à la déformation, tout en étant capable de s’adapter aux changements de volume ou de pression.

Le réseau du cytosquelette est aussi dynamique : il peut se réorganiser en fonction des besoins de la cellule. Par exemple, lorsque le globule rouge traverse un capillaire étroit, il peut se déformer en adoptant une forme allongée ou ovale. Lorsqu’il sort du capillaire, il peut reprendre sa forme biconcave initiale. Ces changements de forme sont possibles grâce à la rupture et à la reformation des liaisons entre les filaments.

« Lorsque Cécile m’a montré les propriété mécaniques et plastiques de ses mailles métalliques, j’ai immédiatement pensé au cytosquelette des cellules. A mon sens c’est la première fois que je vois un volume avec une telle plasticité. Vous pouvez aplatir les objets en maille métallique, une fois la pression relâchée ils reprendrons leur forme initiale. Cette propriété offre des possibilités importantes pour la création de volumes adaptable à n’importe qu’elle contraintes d’espaces. »

VR

Nouer pour structurer :
comment le nœud assure la structure tridimensionnelle des protéines

Un aspect fascinant des recherches en cours est la découverte de la présence de nœuds pour structurer les protéines. Ces nœuds, formés par l’entrelacement des chaînes polypeptidiques, jouent un rôle crucial dans la stabilisation de la structure tridimensionnelle des protéines. Ils permettent aux protéines de maintenir leur forme et leur fonction, même dans des conditions environnementales difficiles.

Source : Research Gate

En conclusion, notre exploration des liens entre l’art du tissage et le monde cellulaire révèle une symphonie complexe où les brins d’ADN, les cytosquelettes ou encore les nœuds protéiques s’entrelacent pour former le tissu vivant de la vie. Ce dialogue entre l’artisanat ancestral et la biologie moderne révèle que, tout comme un artiste crée une œuvre, la nature elle-même tisse la trame de la vie depuis des milliards d’années. Ces connexions entre le tissage, le codage génétique et la structure cellulaire illustrent la profondeur de l’art inscrit dans chaque élément de notre existence. En embrassant cette perspective, nous célébrons la richesse infinie de la créativité, qu’elle émerge des mains habiles des artisans ou des mécanismes élaborés au cœur de chaque cellule vivante.

Tisser, assembler, nouer – autant de métaphores qui transcendent les frontières entre l’art et la science, soulignant que dans chaque fil, chaque brin, réside une histoire tissée avec soin par le temps et la vie.


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